La liste des joueurs formés du Havre est impressionnante. Des champions du Monde, des champions d’Europe et certains des joueurs les plus chers de l’histoire sont passés par l’académie du club français au fil des années. Paul Pogba, Riyad Mahrez, Dimitri Payet, Lassana Diarra, Édouard Mendy, Ferland Mendy et Steve Mandanda sont tous passés par le club pendant leurs années de formation.
Bien qu’il ait passé la majeure partie de son existence en Ligue 2, Le Havre possède l’une des académies les plus prestigieuses de France. Le club n’a pas la richesse du PSG, ni les titres de Marseille ou de Lyon, mais ses méthodes fonctionnent dans le développement des jeunes depuis plus de quatre décennies.
Michael Bunel, responsable de l’académie, est au club depuis 2005. Ancien professeur d’anglais en France, il a toujours été intéressé par l’enseignement et le football, et a combiné ces deux passions lorsqu’il a rejoint Le Havre. Ayant entraîné différentes catégories d’âge, ainsi que l’équipe féminine, il connaît parfaitement la philosophie du club.
« Il faut être intelligent pour devenir un joueur de haut niveau »
« Nous pensons qu’il faut être intelligent pour devenir un joueur de haut niveau », dit-il. « Notre philosophie est basée sur le développement de la capacité du joueur à être intelligent. Quand vous regardez les meilleurs joueurs, ils ont cette capacité à analyser ce qui se passe autour d’eux et à prendre la bonne décision, quel que soit le système, l’entraîneur ou le style de jeu. Un joueur intelligent sera capable d’identifier ses propres forces et faiblesses. »
Lorsque Bunel parle d' »intelligence », il se réfère aux décisions que prend un joueur lorsqu’il a le ballon : ce qu’il va en faire, comment il va faire progresser le jeu, comment il analyse les situations et quels choix il fait. Les meilleurs joueurs améliorent leurs dons physiques et leurs capacités techniques grâce à cette intelligence de jeu.
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« Vous devez avoir une bonne technique », dit Bunel. « Vous ne pouvez pas jouer au plus haut niveau si vous ne savez pas contrôler le ballon ou faire une passe. A partir de là, nous allons travailler à développer l’intelligence de jeu ainsi que les qualités physiques et mentales d’un joueur. Il est assez difficile de développer les qualités mentales, car il faut former le caractère d’un joueur. Quand je parle de qualités mentales, je veux dire la concentration du joueur, sa capacité à s’engager pour l’équipe, à ne pas être égoïste, ainsi que les qualités techniques. »
Un recrutement axé sur les joueurs locaux …
Au cours des dernières décennies, Le Havre a fait venir des joueurs de différentes régions de France. Payet est venu de l’île de la Réunion dans l’océan Indien, tandis que l’ancien international français Vikash Dhorasoo est né et a grandi près du Havre. Bunel explique que le club recrute des joueurs en fonction de plusieurs critères, notamment leur qualité de jeu, leur proximité avec la ville et leur maturité. Il prend l’exemple de Riyad Mahrez. Ayant grandi dans la banlieue nord de Paris, Mahrez a rejoint Le Havre à l’adolescence. Même s’il vivait à environ trois heures de route, le club a reconnu qu’il était suffisamment mature et indépendant pour faire face aux trajets.
Le club essaie de trouver des joueurs qui habitent à proximité, surtout chez les plus jeunes. « Nous allons rarement au-delà de deux heures, ce qui correspond à la Normandie et, au maximum, à Paris. Dans notre académie, nous avons un dortoir où nous pouvons loger les joueurs de juillet à juin. Nous avons de la chance car Paris est un bon endroit pour recruter. C’est important pour l’enfant de garder ce lien avec sa famille. Vous pouvez être un bon entraîneur, mais vous ne pourrez jamais remplacer le parent. Deux heures est un bon compromis pour que l’enfant puisse se concentrer sur le football, l’éducation et la relation avec sa famille. »
« De 6 à 12 ans, nous avons généralement des joueurs locaux – ceux qui viennent de la ville. A 13 ans, nous commençons à chercher des joueurs qui sont à environ deux heures de route. Nous avons neuf garçons qui vivent à l’académie en ce moment. Nous ne voulons pas en avoir plus parce que nous pensons qu’avoir plus d’enfants signifie que nous avons besoin de plus de personnes pour s’occuper d’eux. Nous voulons avoir de la qualité autour d’eux. De 16 à 19 ans, nous avons surtout des joueurs locaux et parfois des joueurs recrutés un peu plus loin, qui acceptent mieux cette vie. »
… et l’ambition de s’installer durablement dans l’élite du football français
Comme dans la plupart des clubs européens, la technologie est essentielle au Havre. « La vidéo est un super top pour analyser, pour montrer au joueur ce qui se passe, ce qu’il a fait ou aurait dû faire », explique Bunel. « C’est bien de les faire réfléchir. Nous avons des séquences individuelles et des séquences d’équipe. Dans les séquences individuelles, les joueurs s’analysent souvent eux-mêmes et nous avons des discussions à ce sujet. »
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Les jeunes du Havre sont recherchés par les plus grand club du Vieux-Continents, mais Bunel pense qu’ils gagneraient à rester en place plus longtemps et à se développer au sein de l’équipe première. « Je suis fier de Pogba – il a gagné la Coupe du Monde », dit Bunel.
« Je dirais qu’il a fait le bon choix. Mais recruter un joueur à 16 ans est compliqué pour l’enfant et notre académie. Nous ne sommes pas comme le PSG ou Marseille – notre club est organisé de telle manière qu’il permet aux jeunes de 17 ans de jouer dans l’équipe première. Nous avons beaucoup de joueurs de l’académie dans l’équipe première. Je comprends qu’ils veuillent jouer pour Manchester United ou Liverpool. Leurs carrières sont courtes et ils veulent gagner de grandes choses ».
Bunel est fier de la réussite des joueurs qui ont quitté Le Havre, mais l’ambition brûlante au sein du club est d’atteindre la Ligue 1 et d’y rester. Ce n’est pas une tâche facile, mais le travail qu’il accomplit avec des ressources comparativement modestes aide certainement le club.
Extrait de : The Guardian (28/01/2022) – Karan Tejwani – Lire l’article original